Une réflexion sur les couleurs emblèmes de Martinique peut paraitre étonnante dans ce blog. Pourtant, à bien y regarder, cela part d'une logique : Parmi les matières premieres de l'homme d'image figurent : représentations, signes et symboles. Les comprendre, essayer de percevoir ce qu'ils véhiculent, tout cela fait partie des réflexions nécessaires à la création de films ou de supports audiovisuels, moyens d'expression pour soi, mais aussi de communication vers et avec les autres.
D'autre part être réalisateur, c'est aussi être en observation constante de la société et des mouvements de pensée qui la traverse.
Je partage donc un petit montage illustrant la présence du drapeau Rouge Vert Noir lors des évènements de février 2009.
A cette époque, je travaillais sur la thématique de la politique en Martinique, plus largement sur les voies possibles pour l'avenir du pays. C'est ainsi que dès 2008, j'ai filmé les rentrées politiques des partis les plus importants ainsi que le congrès des élus qui devait aboutir à la consultation référendaire de 2010.
Quand la grève de 2009 a démarré, les symboles marquant la notion de communauté m'ont donc intéressés, d'autant que pour revenir au contexte de l'époque, Quelques années auparavant, en 2005, lors du crash de Maracaibo un grand mouvement de solidarité autour des familles de victimes a révélé à elle-même la communauté martiniquaise. L'année d'après, le Cyclone Dean, même s'il n'était pas le plus puissant à secoué fortement les esprits par son arrivée très soudaine; puis, un an avant février 2009, en avril 2008, ce fut la mort d'Aimé Césaire. Lors de ses obsèques émouvantes, nous avions ressenti même inconsciemment là aussi ce désir vital de communion. Il est donc logique que ce besoin nécessaire à toute communauté se matérialise par un symbole fort.
Dès ces années, la présence des couleurs rouge vert noir, puis du drapeau a été de plus en plus prégnante et revendiqué par des personnes d'horizons divers.
De part l'histoire du drapeau, il est admis que les trois couleurs ont accompagné beaucoup de luttes passées, il est aussi admis que la création du drapeau sous la forme actuelle est lié à l'OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de Martinique) au début des années 60. Nous savons de fait que certains mouvements politiques l'avaient déjà adopté, mais en 2009, quelque chose était déjà entrain de changer.
Le mouvement vers le drapeau déborde les partis politiques pour s'ancrer chez des gens qui n'avaient pas forcément de positions tranchées indépendantiste ou autonomiste. C'est en cela que le symbole est fort; il dépasse de jour en jour les querelles somme toute normales pour tout pays en construction pour s'inscrire comme un marqueur d'une communauté de destin.
C'est parce que de plus en plus de gens l'arborent qu'il se libére lui-même de toute autre connotation. Il est perçu, une dizaine d'année après 2009 comme le drapeau de toutes les résistances. Pour certains, de moins en moins nombreux d'une fermeture sur soi, mais pour la plupart, le drapeau rouge vert noir est celui de l'appel à l'unité de la nation, consciente d'elle même tout en étant "poreuse à tous les souffles du monde."